« Pour ouvrir grand les Jeux, ouvrons grand les yeux »

où 50 nuances d’exploitation des volontaires des JOP par Paris 2024

Non content de demander à ses volontaires de travailler gratuitement 90h sur une quinzaine (puisqu apparement c’est une opportunité incroyable de vivre les Jeux de l’intérieur), Paris 2024 impose à ses volontaires des formations, à la fois via des capsules vidéos sur une plateforme en ligne, et également en présentiel à Paris, en plus des crénaux de mobilisation des bénévoles, hors des dates des Jeux. (A titre d’exemple, on m’a assigné une formation sur site le 19 juillet de 14h à 19h, pour une cérémonie d’ouverture le 26 juillet, et alors même qu’il est prévu que je ne récupère mon accréditation que 4 jours plus tard…).
Je vous invite d’ailleurs, que vous fassiez partie des 45 000 « élus » ou non, à lire cet excellent guide sur le bénévolat aux JO, rédigé en avril 2024 par le collectif Saccage.

Evidement, ce temps de formation n’est lui non plus pas rémunéré, à la différence des formations professionnelles obligatoires (dans le cadre d’un contrat de travail, donc). Il semblerait que cette formation des bénévoles de Paris 2024 soit cependant obligatoire…

Mais commençons par la « formation générale » disponible sous forme de capsules vidéos sur « l’académie Paris 2024 », l’organisme de formation des Jeux Olympiques et Paralympiques. Chaque volontaire a donc un espace en ligne sur cette plateforme, et le programme des volontaires lui assigne une ou plusieurs formations, en lien avec sa future mission. (Est-ce que ça ressemblerai pas un peu à un processus d’onboarding dans l’un de ces grands groupes « partenaires premium » des JOP ? Je pose la question…)
C’est parti pour 1h de blabla. Heureusement, la plateforme permet de suivre les vidéos en vitesse x 4. Un programme (creux) en 3 parties : « au cœur des Jeux », « ouvrons grand les jeux » et « accueillir le monde ».
S’ajoute une capsule qui explique la présentation de la carte d’accréditation. Où on nous explique, en gros, qu’une accréditation c’est très important et très précieux, qu’il n’en sera délivré qu’une seule aux volontaires, et qu’il faut donc surtout, surtout, ne pas la perdre, l’oublier, ou se la faire voler ! Visiblement il existe une procédure si un malheur devait arriver, mais les volontaires concernés doivent alors s’adresser à leur responsable de mission…
Qui est chaud pour une chasse au trésor, ou un PokémonGo des accréditations olympiques cet été ?

On arrive enfin sur la dernière partie de la formation en ligne : celle-ci est visiblement facultative, puisqu’elle s’appelle « pour aller plus loin ». Mais on aurait tort de s’arrêter là, puisque grâce à ce cher Baron de Coubertin, nous aussi, on a envie d’aller plus vite, plus haut, plus fort !
 On apprend donc comment « lutter contre les manipulations des compétitions », et notamment le trucage des compétitions. On apprend aussi que les 45 000 volontaires ayant une accréditation, et donc, potentiellement accès à des informations non connues du grand public, ils et elles n’ont pas le droit de participer aux paris sportifs ! Pour celleux qui comptaient là-dessus pour financer leur hébergement en région parisienne, désolé, vous avez 2 mois pour trouver une alternative…

Le clou du spectacle, selon moi, ça reste la vidéo « reconnaître le marketing sauvage », d’une durée de 4 minutes, dont voici l’objectif :
« Dans cette vidéo, nous t’expliquerons les enjeux de la protection de la marque Paris 2024 et des exemples de marketing sauvage que tu pourrais rencontrer »

Si j’ai bien compris (oui) Paris 2024 recrute donc une armée (45 000 personnes, je le rappelle) de « volontaires » bénévoles pour assurer des missions très variées pendant les Jeux Olympiques et Paralympiques : conducteurices, accueil, assistance aux spectateurs et aux athlètes, soigneureuses animaliers, professionnel.les de santé, chronométrage… Tout un tas de missions qui pourraient, ou plutôt devraient, être assurées par des personnes salariées, qui recevraient donc un salaire, seraient protégées par les dispositions du droit du travail, et dont l’employeur (ici, Paris 2024) participerait donc, via les cotisations, au financement du système national de protection sociale.
Le cas du chronométrage a déjà fait couler un peu d’encre parmi celleux qui s’intéressent à la question du travail déguisé, et du rapport de subordination. En effet, certains bénévoles recrutés par Paris 2024 auront pour mission d’assister le chronométrage des épreuves. Chronométrage qui est assuré par les salariés d’une entreprise privée, Oméga (une entreprise d’horlogerie Suisse), qui donc, elle aussi, va bénéficier d’une main d’œuvre gratuite, tout en amassant des millions pendant les Jeux. Ambiance.

Mais revenons-en à notre vidéo sur le marketing sauvage. Il me semblait que l’argument de Paris 2024 pour « justifier » l’utilisation massive de bénévoles pour l’événement, c’était de permettre à tous ces volontaires de « participer aux Jeux autrement », de célébrer le sport et les athlètes, d’accueillir le monde à Paris, etc.
(Des conditions s’appliquent pour les personnes handicapées, pour les sans abris, pour les travailleureuses du sexe, pour les mineurs isolés étrangers, pour les jeunes de la Seine Saint Denis, ou plutôt « contre » toutes ces personnes, mais là-dessus Tony Estanguet reste muet).

En fait non (enfin qui était dupe). On apprend dans cette vidéo hallucinante que le rôle des 45 000 bénévoles, (sans doute en renfort de la généralisation de la vidéo-surveillance algorithmique), c’est d’assurer la protection des intérêts économiques de Paris 2024 et des sponsors des Jeux.
Tu étais prêt.e à sacrifier tes vacances et ton temps libre pour participer à une aventure humaine fédératrice qui célèbre l’entente entre les peuples et les accomplissements sportifs ? En fait tu vas surtout être un larbin (ou un mouchard) pour les intérêts privés de sponsors des Jeux. Miam.

Ci-dessous, le verbatim intégral de la vidéo. Il mériterait un article à lui tout seul en forme de « commentaire de texte ». Et oui, je me moque gratuitement (comme ma mission bénévole) de « l’académie Paris 2024 », mais eux au moins rendent leurs supports de formation accessibles, donc avec sous titres et transcriptions intégrales disponibles.

« Bienvenue dans l’aventure du mouvement Olympique et Paralympique. Est-ce que tu savais qu’en rejoignant cet événement planétaire, tu deviendrais le garant de son écosystème ? Nos partenaires commerciaux et nos licenciers financent les Jeux et nous, on leur garantit  l’exclusivité pour utiliser nos marques.
C’est simple, c’est si simple que parfois, ça suscite des convoitises. Beaucoup de convoitises.
Certaines entreprises vont tenter de profiter de l’image des Jeux, pour faire leur propre publicité.  Sans pour autant, tu l’imagines bien, participer à leur financement. Alors nous, on a mis en place une stratégie béton autour de quatre piliers :

1. Lutter contre toute forme de publicité non autorisée, qu’elle soit implicite ou explicite.

2. Empêcher toute vente de produits contrefaits.

3. Eviter la revente illicite de billets pour protéger le spectateur.

4. Garder le sport au coeur des jeux, en veillant à ce que chaque site Olympique et Paralympique ne contiennent pas de messages commerciaux, politiques ou religieux.

Si tu regardes cette vidéo, c’est que tu es pleinement impliqué dans l’aventure de Paris 2024. Au-delà de ton rôle pendant les Jeux, nous te confions une mission de chaque instant. Dès lors que l’un de ces piliers est mis à mal, tu devras le remonter à ton référent.
Rappelle-toi, pour ouvrir grand les Jeux, il faut ouvrir grand les yeux. Allez viens avec nous sur site, on te montre quelques exemples de ce qui peut t’attendre.

Comme tu peux l’imaginer, beaucoup d’entreprises vont tenter de bénéficier de la notoriété des Jeux. Aux abords des sites, par exemple. Il est possible que tu rencontres des démarcheurs, qui distribuent des goodies, des flyers, des boissons comme à cette station de métro par exemple. Si tu es témoin d’une telle situation, remonte-le tout de suite à ton référent, en lui donnant le plus de détails possible. Ta localisation, une photo ou encore la marque concernée.
Si je te dis billet, tu penses évidemment à la plateforme officielle et tu as bien raison, car toutes les ventes et reventes en dehors sont interdites. Pendant les Jeux, et comme pour tous les grands événements, certaines personnes, comme elle, vont tenter de vendre illicitement des billets. Si tu rencontres ce cas de figure, appelle tout de suite ton référent. N’ait pas de doute, si tu vois une personne revendre un billet, c’est forcément un faux.
Et en plus, ces tentatives ne s’arrêtent pas aux portes des sites. Il est possible que tu constates certaines formes de publicité à l’intérieur même du stade. Une affiche sauvage, un flyer ou même un groupe organisé de supporters faisant la promo d’une marque. Alors, toujours le même réflexe. Remontes rapidement cette information à ton référent qui saura quoi faire.
Parfois, il se peut même que des marques non autorisées parviennent à se frayer un chemin jusqu’aux zones de compétition, et carrément sur le court. Mais heureusement, tu connais maintenant la chanson. Appelle ton référent.
Maintenant que tu es un expert, garde bien ça en tête. Tu dois collecter ces informations  seulement si ta sécurité est assurée. Elle reste primordiale. Et ne t’en fais pas, en cas de doute, tu pourras retrouver la liste de nos partenaires sur le site de Paris 2024. Et bien sûr, ton référent saura t’aider.

Ça y est, nous y sommes. Les Jeux arrivent. Un grand merci pour ton aide indispensable à l’organisation de ces Jeux Olympiques et Paralympiques en France qui promettent d’être inoubliables. On compte sur toi et ta vigilance pour participer à la protection des droits de Paris 2024 et garder ainsi le sport au coeur des Jeux.
Et rappelle-toi, tous les billets pour assister aux Jeux sont digitaux et disponibles uniquement sur la plateforme officielle.

Alors pour ouvrir grand les Jeux, on ouvre grand les yeux. »

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